Hégra à Médaïn Saleh / 4
Rappel :
Nous avons longtemps hésité à vous montrer ces photos (argentique) parce qu' à l' époque (1993)
Un périple insensé et une chance insolente nous ont permis de les ramener et de les classer sagement dans un album en attendant que . .
A ce jour divers articles sur ce sujet étant publiés sur le NET, nous vous proposons une visite non clandestine du merveilleux , (mais encore très réservé ), site d'
Arabie Saoudite .
commentaires CNRS
Documents photos exclusifs
Vues autrement ( 1993 )
© L. Nehmé/CNRS
Quatre tombeaux à Madâin Sâlih.
© Photo aimablement transmise par D. Al-Talhi
Inscription latine découverte dans les fouilles saoudiennes.
Dans le Nord-Ouest de l’ Arabie Saoudite, une ville abandonnée accueille de nouveaux habitants d’ un genre très particulier. Armés de truelles, ils sont là pour percer ses mystères enfouis dans le sol depuis presque deux millénaires. La ville s’ appelle Hégra, et ses résidents sont des archéologues français et saoudiens.
Codirigée par Laïla Nehmé, du laboratoire « Orient et Méditerranée », à Ivry, François Villeneuve, du laboratoire « Archéologies et sciences de l’Antiquité » (Arscan), à Nanterre, et Daifallah al-Talhi, du Département des Antiquités de Riyad, la mission est une première sur ce site archéologique, le plus grand d’ Arabie Saoudite.
« Cela fait très peu de temps que le pays s’est ouvert à la coopération en matière d’ archéologie, explique Laïla Nehmé, et nous avons nous-mêmes signé l’ accord de fouilles le 10 novembre 2007. »
Les chercheurs ne sont toutefois pas des nouveaux venus à Hégra. Entre 2001 et 2005, plusieurs missions de prospection ont été menées afin d’ explorer le sous-sol, à l’ aide de moyens de détection géophysique, et surtout de décrire systématiquement les vestiges visibles à la surface du sol. Et quels vestiges !
Bâtie au premier siècle de l’ ère chrétienne par les Nabatéens, fondateurs de la très célèbre Pétra en Jordanie, Hégra était constituée d’ une zone résidentielle entourée de remparts en terre crue, d’ une oasis alimentée par quelque cent trente puits et d’ une splendide nécropole.
Celle-ci réunissait plus de cent tombeaux creusés directement dans les massifs de grès qui parsèment la plaine. « Il s’ agit de la ville la plus méridionale du royaume nabatéen, indique Laïla Nehmé.
C’était certainement à la fois une station caravanière et un lieu de garnison pour les militaires Nabatéens, en ce point extrême de leur royaume, avant qu’il ne soit annexé par Rome en 106 apr. J.-C. »
Pendant longtemps, au vu des inscriptions relevées sur les façades des tombeaux, on a cru que la ville n’avait été occupée que de l’an 1 à l’an 75 apr. J.-C.
Les missions de prospection ont révélé une histoire bien différente : la ville aurait continué à vivre jusqu’au quatrième siècle après J.-C. Une occupation bien établie, puisque le centre urbain est resté entretenu pendant tout ce temps.
Les archéologues saoudiens qui ont réalisé quelques sondages dans la zone résidentielle en 2003 ont même découvert une inscription latine datant des années 175 à 177 apr J.-C., relatant la réfection du rempart de la ville aux frais des habitants, le maître d’ouvrage étant le centurion d’une légion romaine et le maître d’ œuvre le « maire » de la ville, qui porte un nom bien Nabatéen.
Preuve non seulement que les Nabatéens n’ ont pas abandonné leur cité après l’an 75 mais aussi que Nabatéens et Romains ont cohabité après 106 de l’ère chrétienne.
« Les derniers siècles avant l’ avènement de l’ islam sont très mal connus, observe Laïla Nehmé. Nous ne savons évidemment pas encore si Hégra nous en révélera quelques clés, mais on peut l’ espérer. »
D’autres inscriptions découvertes sur le site, cette fois en nabatéen et dans une écriture intermédiaire entre le nabatéen classique que l’ on trouve à Pétra et l’ arabe, offrent aux épigraphistes de la matière pour appréhender l’ évolution de l’ écrit dans la région.
« Le nabatéen, écriture dérivée de l’ araméen, est l’ ancêtre direct de l’ écriture arabe, explique Laïla Nehmé. Des écritures transitoires entre le nabatéen et l’ arabe ont été observées sur d’autres sites archéologiques, mais c’est la première fois que nous en voyons à Hégra. »
Financées par le ministère des Affaires étrangères, le Sénat, le CNRS, l’ Ambassade de France en Arabie Saoudite, les mécènes OTV (filiale de Veolia Eau) et Total, et par des dons de particuliers, les fouilles de Hégra doivent durer quatre ans.
Elles occupent une quinzaine d’ archéologues qui quadrillent une zone protégée de 1 460 hectares incluant la ville proprement dite, les tombeaux et les sanctuaires.
L’ oasis et ses puits sont difficiles d’accès mais l’ équipe espère pouvoir en fouiller au moins un. « De nombreuses questions restent encore sans réponse, rappelle Laïla Nehmé.
La ville a-t-elle été fondée sur un site plus ancien ? Quel était son rôle dans ce secteur charnière entre les domaines nabatéen, romain et byzantin ?
Hégra est une pièce centrale du puzzle. »
L’ antique cité est aussi une véritable attraction pour les touristes, que l’ Arabie Saoudite espère bien mettre en valeur.
Un projet d’aménagement du site est à l’ étude et une demande de classement au patrimoine mondial a été faite auprès de l’ Unesco.
Fabrice Demarthon
Remarque :
Conditions d’entrée sur le territoire:
l’Arabie Saoudite ne délivre pas de visa de tourisme.
Les seuls étrangers admis dans le royaume sont les pèlerins qui souhaitent se rendre à la Mecque et les personnes qui viennent y travailler. Tous les autres visiteurs potentiels doivent pouvoir justifier d’un garant dans le pays.
A suivre . . .